La rentabilité de l’exploitation du Franchisé est-elle l’objet du contrat de franchise ?

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La rentabilité de l’exploitation du Franchisé est-elle l’objet du contrat de franchise ?

Dans un arrêt récent, ( CA PARIS  3 juillet 2024 23/00292 ), la Cour d’Appel de Paris répond à cette question par la négative et recadre avec pertinence les fondamentaux du contrat de franchise.


Dans cette affaire, le franchisé de la société ADA, exerçant une activité de location de véhicules automobiles, avait assigné son franchiseur aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise conclu, au motif du défaut de rentabilité du modèle économique imposé, reposant sur un contrat de location-gérance indivisible avec le contrat de franchise.

Deux arguments juridiques étaient invoqués : le défaut d’objet du contrat de franchise et le vice du consentement. Explications de Fanny Roy, avocate associée.

La Cour d’Appel rappelle alors que l’objet du contrat de franchise n’est pas la rentabilité de l’exploitation, mais la mise à disposition au bénéfice du franchisé, du savoir-faire spécifique éprouvé et des signes distinctifs du franchiseur, ainsi que l’apport de son assistance continue, en contrepartie de quoi le franchisé verse au franchiseur une redevance contractuelle.

Par conséquent, les juges en déduisent que le savoir-faire dont la transmission n’était pas contestée par le franchisé, ni critiqué en son contenu, et qui est l’objet du contrat de franchise, ne peut par conséquent entrainer la nullité du contrat conclu pour défaut d’objet.

La Cour remarquait toutefois que le franchisé n’avait pas fondé ses demandes sur l’absence de cause du contrat, sous entendant qu’il s’agissait du fondement juridique à invoquer.

L’absence de cause au contrat est aujourd’hui codifiée à l’article 1169 du Code Civil, lequel stipule qu’un contrat onéreux est nul, lorsqu’au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

Le Franchisé aurait donc sans doute dû soutenir qu’au moment de la formation du contrat de franchise, la rentabilité attendue de son exploitation était illusoire compte tenu des conditions contractuelles imposées par l’enseigne.

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Les juges examinent par ailleurs le second argument invoqué, celui du vice du consentement ; ils rappellent que le défaut de rentabilité de l’exploitation du franchisé peut fonder une action en nullité du contrat, dès lors qu’il existe une erreur sur la substance du contrat, ayant vicié son consentement.

La Cour juge ainsi qu’en effet, dans le contrat de franchise, c’est l’espérance de gain qui fonde l’intégration à un réseau, censé avoir fait économiquement la preuve de sa capacité à dégager des bénéfices selon une méthode éprouvée, le franchisé espérant, par hypothèse, réitérer le succès commercial du franchiseur.

Les Juges précisent toutefois que ce défaut de rentabilité qui ne traduit pas à lui seul une faille du modèle économique du franchiseur, qui n’est pas tenu de garantir la réussite de son franchisé, doit s’entendre non de l’insuffisance subjective des résultats, mais d’une inaptitude objective des méthodes et savoir-faire, objet du contrat de franchise appréciée au jour de la formation du contrat.

Dès lors, si le franchiseur ne peut justifier d’un modèle économique éprouvé et réitéré avec succès grâce à des méthodes et un savoir-faire, le franchisé victime d’une erreur sur la rentabilité pourra alors faire valoir la nullité du contrat pour erreur sur la rentabilité, si toutefois aucune faute de gestion ne peut lui être imputable.

L’erreur doit en outre être excusable, et par exemple découler d’une inadéquation entre les éléments d’informations qui ont été fournis par le franchiseur, tels que par exemple des prévisionnels, et la réalité de l’exploitation du franchisé, exempte de faute.

Dans cette affaire, les juges ont alors, après cette analyse exhaustive, examiné les erreurs qui étaient alléguées par le franchisé à l’encontre du franchiseur.

La critique principale du franchisé était relative au modèle de location-gérance imposée par le franchiseur.

Les juges ont considéré que le franchisé qui avait un chiffre d’affaires conforme au prévisionnel, ne démontrait pas alors que les charges qui découlaient de l’exécution des contrats conclus, mais connues lors de leur formation étaient intrinsèquement incompatibles avec l’exercice d’une activité rentable.

Ainsi, il n’était pas démontré d’éléments objectifs mettant en évidence que la méthode et le savoir-faire du franchiseur ne permettaient pas à la base d’obtenir une rentabilité et que l’erreur ne découlait pas d’une différence substantielle entre les éléments d’informations fournis par le franchiseur et la réalité de l’exploitation.

En conclusion, le contrat de franchise n’a pas pour objet la rentabilité, la croissance constante mais il s’agit de sa raison d’être, celle pour laquelle un franchisé s’engagera dans un réseau.

Il appartiendra alors au franchiseur de démontrer que son modèle économique a été éprouvé et est capable de dégager des bénéfices dans un secteur d’activité selon une méthode réitérée.


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : la rentabilité de l’exploitation du franchisé et son lien avec le contrat de franchise.

Décision de la Cour d’Appel : Elle a statué que l’objet d’un contrat de franchise n’est pas de garantir la rentabilité de l’exploitation du franchisé, mais de transmettre un savoir-faire et d’apporter une assistance continue, afin d’accompagner au mieux vers la satisfaction client.

Absence de cause et rentabilité : La rentabilité attendue ne constitue pas un motif suffisant pour annuler le contrat de franchise, car le savoir-faire et l’assistance sont les véritables éléments contractuels partagés par l’enseigne, indépendamment de la performance économique.

Vice du consentement : Un franchisé peut invoquer un vice du consentement si une erreur sur la substance du contrat affecte son engagement, notamment si le modèle économique du franchiseur n’est pas éprouvé et que la rentabilité s’avère illusoire.

Critères d’évaluation : Pour contestation, le franchisé doit prouver que le modèle économique du franchiseur est défaillant ; il doit aussi démontrer qu’une erreur dans les informations fournies par l’enseigne a conduit à une inaptitude objective à générer des bénéfices.

Responsabilité du franchiseur : Il appartient au franchiseur de justifier que son modèle économique a fait ses preuves et qu’il est capable de générer des bénéfices dans divers points de vente, afin d’éviter des contestations ultérieures sur la viabilité du contrat de franchise.

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